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Le petit monde de Stephanus
10 juillet 2012

Entretien préalable à licenciement. Quels moyens déployer pour ne pas rater le coche ?

Après quinze jours de mise à pied conservatoire (suite à l’agression d’un collègue, comme vous le savez), je suis convoqué par ma direction à un entretien préalable à licenciement qui doit avoir lieu la semaine prochaine.

Je ne me fais guère d’illusion sur l’issue de cet entretien, mais j’ai tout de même souhaité mettre toutes les chances de mon côté pour essayer de les persuader de ne pas me licencier.

Ainsi, j’ai prévu de me faire assister par Jean-François, le commercial de mon entreprise, qui a le don de détendre les situations les plus crispées en racontant les sketches de Pierre Palmade, ce truculent comique français qui fait rire depuis presque deux décennies des salles polyvalentes remplies d’octogénaires. Je ne sais pas si cela sera d’une grande utilité dans un cadre aussi solennel, mais je suis certain que les jeux de mots de mon collègue arriveront à arracher un sourire à mon responsable de service, afin de l’aider à dédramatiser la situation.

Par ailleurs, tel Gilbert Collard et sa légendaire conscience professionnelle qui le pousse à travailler d’arrache-pied pour protéger la veuve, l’orphelin et les cyclistes dopés des affres d’une justice partiale et bien souvent impitoyable, j’ai énormément potassé mon dossier et préparé ma défense.

Je vais tenter de plaider l’erreur d’appréciation en indiquant à ma direction que mon geste, qui a pu paraître brutal aux yeux des témoins ayant assisté à la scène, n’avait pour objet que de faire goûter ce satané rouleau de printemps à mon collègue asiatique, et qu’à aucun moment je n’ai voulu porter atteinte à son intégrité physique. Pour étayer mon propos, j’expliquerai que les mets concoctés par les cuisiniers qui officient en « background » (comme disent les jeunes branchés) au sein de notre restaurant d’entreprise sont particulièrement goûteux. Je n’exclus d’ailleurs pas de leur présenter deux ou trois entrées que j’aurai subtilisées le midi même à la cantine, afin de leur permettre de constater l’extrême raffinement de cette nourriture. Dans cette optique, j’ai d’ailleurs acheté quelques boîtes Tupperware afin de pouvoir y placer les hors-d’œuvre en question.

S’ils ne sont pas convaincus par cette explication culinaire, j’ai déjà imaginé un second angle d’argumentation, en avançant qu’il s’agissait de légitime défense. J’ai en effet prévu de leur expliquer que Lang Tang avait essayé, quelques jours auparavant, de m’agresser dans le parking souterrain de l’entreprise. Quelques collègues que j’ai soudoyés à coups de billets de dix et vingt euros sont prêts à témoigner en ce sens, et nous nous sommes mis d’accord sur la version des faits : le bridé est censé m’avoir collé contre le capot d’une voiture en me faisant une clé de bras – technique ancestrale très prisée en Extrême-Orient – dont j’ai pu me défaire en lui assenant un coup de coude. Suite à quoi, il se serait enfui avec la rapidité et la souplesse qui caractérisent les ninjas de sa race. Nous avons peaufiné les moindres détails de cette agression fictive (heure de l’évènement, couleur de la voiture, tenue portée par le Chinois, etc.). Cette histoire entièrement inventée, mais appuyée par de faux témoins oculaires de bonne moralité, aurait le mérite de ne pouvoir être contredite, étant donné que le jaune est reparti quelques jours à Séoul pour se reposer et trouver réconfort auprès de sa famille.

Si toutefois l’argument de la légitime défense n’achève pas de les convaincre, j’ai réfléchi à une ultime technique de persuasion : faire croire à mes supérieurs que j’ai agressé intentionnellement Lang Tang pour le bien de l’entreprise, car celui-ci était sur le point de revendre nos brevets à une secte chinoise spécialisée dans le trafic d’opium. Cette version des faits reste – à mes yeux – très plausible et serait donc de nature à convaincre mes supérieurs que mon geste, certes déplacé, a été commis pour défendre ma société.

Afin d’appuyer mon amour indéfectible envers cette dernière, j’ai même prévu de me rendre à l’entretien avec un tee-shirt à l’effigie de mon entreprise, et un slogan éloquent (type « I love my boîte »).

Quelles sont les autres pistes à creuser, pour mettre toutes les chances de mon côté et éviter ainsi le licenciement ? Une tape dans le dos de mon Directeur des Ressources Humaines (DRH) serait-elle la bienvenue, afin de lui rappeler notre complicité d’antan ? Devrais-je pousser le zèle jusqu’à lui faire une bise amicale ?

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Le petit monde de Stephanus
  • Stephanus, le chaînon manquant entre Guy des Cars et Chimène Badi. Stephanus, ça se lit comme un bon Marc Lévy. Stephanus, c'est bon comme du bon pain, c'est plus authentique qu'un film de Guillaume Canet, et plus parfumé que la foune de Nadine Morano.
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