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Le petit monde de Stephanus
20 février 2014

Cas de maltraitance supposée. Dois-je alerter la Direction des Affaires Sanitaires et Sociales (DASS) ?

Comme je vous l’ai précédemment expliqué, j’avais dans l’idée de me rendre chez mes propriétaires pour récupérer un veston en velours côtelé que j’y avais involontairement laissé.

Je les ai donc appelés cette semaine pour savoir à quel moment il me serait possible de venir les voir. En bon Sarthois alcoolique qui se respecte, mon propriétaire m’a invité à passer hier soir à l’heure de l’apéritif. J’étais ennuyé à l’idée de devoir de nouveau partager leur compagnie pendant quelques instants, mais je me suis dit que je ferais le nécessaire pour que la rencontre soit aussi brève que possible, quitte à prétexter un rendez-vous galant pour m’extirper des griffes de ces dégénérés.

Lorsque j’ai sonné à la porte sur les coups de dix-neuf heures, c’est leur fille Chloé qui m’a accueilli avec un large sourire fait de gencives et de tartre, en m’indiquant que ses parents n’étaient pas présents. J’ai immédiatement remarqué le maquillage outrancier et vulgaire qui ornait sa figure. Elle avait grossièrement peinturluré ses lèvres, appliqué une double couche de fard à paupières, et tartiné ses joues d’un épais fond de teint qui ne masquait pas ses boutons. Quant à son accoutrement, il était à la hauteur du visage : escarpins, bas, mini-jupe laissant une large vue sur ses cuisses huileuses, et décolleté plongeant sur ses seins tombants.

Une telle tenue vestimentaire portée par une femme correctement proportionnée aurait été de nature à me faire durcir l’aubergine. Mais en l’occurrence, ces vêtements la faisaient ressembler à une vieille pute quinquagénaire, me rappelant la grosse Lulu de la rue Saint-Hélier à qui j’avais rendu visite à deux ou trois reprises lorsque j’avais vingt ans, dans le but de parfaire mon éducation sexuelle et de m’ouvrir les voies de la sensualité qui, contrairement à celles du Seigneur, ne sont pas impénétrables, loin s’en faut.

J’ai deviné que sa tenue vestimentaire avait été choisie à mon attention et qu’elle projetait très certainement de poursuivre l’entreprise de séduction qu’elle avait déployée lors de nos deux premières rencontres. Ne souhaitant pas perdre de temps, je lui ai demandé – d’un ton antipathique – de me rendre ma veste, ce à quoi elle a répondu qu’elle allait de ce pas chercher le précieux vêtement dans la penderie, tout en m’invitant à m’installer au salon pour patienter.

Arrivé dans cette pièce cossue, j’ai distinctement entendu des gémissements plaintifs qui semblaient provenir du placard situé à côté du canapé de cuir bleu. Pensant que les propriétaires y avaient enfermé leur chien suite à une quelconque bêtise, mais curieux de vérifier mes supputations, j’ai entrepris de tirer la porte du petit réduit, qui s’est ouverte sans difficulté sur une scène particulièrement sordide.

Devant moi se tenait, prostré dans le placard, non pas leur chien Hans, mais un enfant à la peau bronzée, vêtu uniquement d’un slip de marque Damart, bâillonné et attaché à un crochet par une solide laisse en cuir. Le chapeau pointu qui ornait sa tête m’a tout de suite fait comprendre que l’infortuné gamin était certainement originaire de Corée ou d’un autre pays du Sud-est asiatique. Devant lui traînait une écuelle de riz et un petit bol d’eau semblant avoir été directement tirée du puits. Ce spectacle était particulièrement apitoyant, et aurait arraché une larme au plus endurci des conseillers généraux des Hauts-de-Seine (92), Isabelle Balkany incluse.

Malgré mon ancestrale défiance à l’encontre des Asiatiques, je m’apprêtais à délivrer le pauvre petit, mais j’ai alors considéré que si Chloé – qui n’allait pas tarder à revenir dans la pièce – me surprenait en train de porter secours au chinetoque, elle aurait une réaction démesurée et tenterait très probablement de porter atteinte à mon intégrité physique en utilisant quelque objet contondant. Toutefois, ne souhaitant pas faire preuve d’indifférence face à la souffrance du petit esclave semi-dénudé, j’ai prestement fouillé dans la poche de mon pantalon et y ai trouvé une boîte de Tic-Tac, que j’ai déposé devant le gamin en lui caressant les cheveux, puis j’ai refermé le placard avant d’aller me laver les mains.

Lorsque Chloé est revenue avec mon veston, j’ai récupéré mon bien puis j’ai pris congé sur le champ, avant de m’engouffrer dans ma voiture et de foncer à mon domicile.

Depuis deux jours, un dilemme me turlupine : il me semble que signaler ce cas de maltraitance serait faire preuve de sens civique. Pour autant, si je dénonce mes propriétaires, ces derniers risquent fort de rompre le bail qui nous lie, m’obligeant ainsi à déménager, ce qui ne m’arrange guère en ces temps où il est si difficile de trouver un logement décent.

J’en arrive à me demander si le petit était vraiment retenu contre son gré. Ne pouvait-il pas plutôt s’agir d’une partie de cache-cache ou de colin-maillard ?

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  • Stephanus, le chaînon manquant entre Guy des Cars et Chimène Badi. Stephanus, ça se lit comme un bon Marc Lévy. Stephanus, c'est bon comme du bon pain, c'est plus authentique qu'un film de Guillaume Canet, et plus parfumé que la foune de Nadine Morano.
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