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Le petit monde de Stephanus
18 septembre 2014

Refus d'un homme d'Église de baptiser un enfant. Cela n’est-il pas intolérable ?

Comme vous le savez, je me suis rendu le week-end dernier à Rennes (35) où je devais assister au baptême de mon neveu.

Suite à un passage par le commissariat de police, consécutif à une dénonciation héroïque que j’ai eu l’occasion de vous narrer, je craignais d’être en retard à la cérémonie et j’ai donc couru jusqu’à l’église Saint-Melaine, située dans les beaux quartiers de la capitale bretonne.

En effet, bien qu’ayant voté socialiste à une certaine époque de sa vie, ma sœur a su rentrer dans le droit de chemin et exige aujourd’hui un standing qui sied à son statut et à sa classe sociale. Il était donc impensable qu’elle organise le baptême de son enfant dans une église de second rang ou pire, dans une bâtisse moderne implantée dans un quartier populaire. Elle m’avait d’ailleurs avoué, un soir où elle semblait légèrement éméchée au téléphone, qu’elle préférait se faire « défoncer le cul par Georges Marchais », plutôt que de faire baptiser son fils par le curé (congolais) de l’église Sainte-Marcelle, dans le quartier cosmopolite de Bréquigny.

Ma sœur et mon beau-frère avaient donc choisi, pour leur enfant, l’édifice religieux le plus prisé et le plus huppé de Rennes (35), puisque l’on y dit encore la messe en latin et que l’on y voit gambader le dimanche matin de sympathiques scouts rasés portant culottes courtes et pulls en laine d’agneau sur lesquels ils arborent fièrement  des écussons de soie représentant, tantôt le visage du Christ, tantôt une magnifique francisque dorée, tantôt une sympathique croix celtique blanche sur fond noir.

Je suis arrivé devant l’église avec quelques minutes de retard et me suis installé sur un banc, tandis que le curé commençait son office.

Pour être tout à fait franc, je n’ai pas été très attentif aux paroles du prêtre, car j’étais occupé à tourner mon regard à droite et à gauche pour voir si ma sœur avait invité son amie d’enfance Samantha, dont mon beau-frère m’avait à maintes reprises vanté les mérites. J’ai fini par la distinguer au quatrième banc sur ma gauche, et j’ai pu constater que cette petite garce faisait honneur à sa réputation, puisqu’elle prenait un malin plaisir à mettre en avant ce que nous appellerons – passez-moi l’expression – « une putain de paire de loches ». L’abbé lui-même semblait subjugué. Ses yeux venaient se braquer de temps à autre sur le rang de la demoiselle, et la vision de ce poitrail semblait le troubler énormément au point qu’il dut se reprendre à plusieurs reprises après s’être empêtré dans son discours lénifiant.

J’ai eu également la surprise de constater que papa était des nôtres, et qu’il était même aux premières loges. Sous l’effet de son cocktail médicamenteux, il s’était assoupi et ronflait bruyamment, tandis qu’à intervalles réguliers semblaient s’échapper de son anus artificiel d’improbables pets, constituant probablement les stigmates de ses récents problèmes de tuyauterie. Ma mère, gênée, s’excusait toutes les minutes de la pollution sonore et olfactive produite par son mari, ce qui avait le don d’énerver le moine, lequel supportait mal d’être coupé dans son sermon et dans sa contemplation des obus de Samantha.

Tant bien que mal, le chanoine a fini par arriver au terme de sa messe, qu’il a conclue exalté en remerciant Saint Pierre pour ses bonnes œuvres, et Dieu pour avoir doté les femmes de nichons aussi énormes, et les enfants de fions aussi dilatables, puis il a demandé à ma sœur et à mon beau-frère de lui présenter leur fils pour qu’il lui donne le baptême.

Lorsque Anne-Christine a porté le petit Jean-Pierre jusqu’à l’autel, l’évêque a pris un air dubitatif et a eu un mouvement de recul. Ne comprenant pas cette hésitation, ma sœur a tendu l’enfant vers le cardinal, mais celui-ci a annoncé, l’air grave, qu’il lui était interdit par le règlement de baptiser un animal, a fortiori un reptile.

Ces paroles quelque peu blessantes ont eu un effet immédiat sur Anne-Christine qui a commencé à fondre en larmes, ce qui n’a pas manqué de réveiller mon père, lequel s’est aussitôt inquiété de savoir quelles étaient les raisons du drame qui se tramait devant ses yeux. Après que ma mère lui eut expliqué, entre deux sanglots, que le diacre venait d’insinuer que son petit-fils avait une tête pas très catholique, papa s’est avancé jusqu’à l’autel avec son fauteuil roulant, a arraché des mains du révérend le bol d’eau sacré, et a versé l’intégralité de son contenu sur le pauvre petit Jean-Pierre qui s’est également mis à hurler.

La suite ne fut que confusion et bousculade, les gros bras du service d’ordre appelés par le rabbin ayant fait irruption dans le lieu sacré, et s’attachant à expulser tout le monde à coups de battes de base-ball.

Après cette cérémonie avortée – un comble pour un homme d’Église ! – une question me taraude : un pasteur a-t-il déontologiquement le droit de refuser de donner le baptême, sous prétexte de la laideur de l’enfant ?

 

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Le petit monde de Stephanus
  • Stephanus, le chaînon manquant entre Guy des Cars et Chimène Badi. Stephanus, ça se lit comme un bon Marc Lévy. Stephanus, c'est bon comme du bon pain, c'est plus authentique qu'un film de Guillaume Canet, et plus parfumé que la foune de Nadine Morano.
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