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Le petit monde de Stephanus
25 août 2013

Divergences intergénérationnelles. Comment expliquer ces excès de moralisme ?

Me voilà de retour après un week-end chargé en émotions.

J’étais convié samedi au mariage de Greg, l’un de mes amis d’enfance. Les festivités avaient lieu dans la région de Fougères (35), ville natale des deux tourtereaux.

En ma qualité de bon vivant, je ne crache jamais sur une petite fête et je ressens souvent le besoin de me dégourdir les jambes sur une piste de danse. C’est donc le cœur plein d’entrain que j’ai parcouru les cent trente-six kilomètres qui séparent la préfecture Sarthoise du pays de Brocéliande, terre des légendes arthuriennes et de la chanson de Roland.

La cérémonie religieuse a été de toute beauté bien que la mariée, boudinée dans une robe qui la faisait ressembler à un chou-fleur avarié, ne fût pas tout à fait en accord avec la majesté des lieux. Après cette messe mémorable et les formalités en mairie, nous nous sommes rendus sur les lieux du vin d’honneur, où je me suis enfilé quelques coupes de champagne agrémentées de petits fours aussi succulents que la moule d’une jeune étudiante de droite. Entre-temps, j’avais retrouvé quelques camarades de classe, qui n’ont eu de cesse d’égayer l’apéritif en entonnant des chants traditionnels et festifs, du type « vi-ve, vi-ve la ma-ri-ée, le marié doit l’en-en-culer ».

Les parents de Greg, fort émus par l’évènement, allaient de groupe en groupe, se présentant à tous les convives comme étant les organisateurs logistiques (« et financiers » précisait la mère) de cette journée, qu’ils considéraient tous deux comme « la plus belle de [leur] vie ».

Le repas fut original : terrine de saumon, magret de canard accompagné d’un petit fagot de haricots enroulé dans une tranche de lard, plateau de fromages, et pour le dessert nous avons eu droit au grand jeu : pièce montée et fontaine de champagne, servie sur le morceau We are the champions du chanteur britannique Sting.

Tout au long du repas, des sketchs et jeux très drôles ont distrait les mariés et les invités : parodie de l’émission Tournez Manège, devinettes, petit diaporama retraçant la vie amoureuse des tourtereaux sur une musique de Claude François, et bien entendu, l’incontournable séance de la jarretière. Le vin m’ayant rendu euphorique, et malgré l’aspect peu ragoûtant des jambes de la mariée, j’ai participé aux enchères, déposant dans le chapeau un bifton de cinq euros, en espérant qu’elle finirait par nous montrer sa motte. Malgré mes efforts, l’assistance a dû se contenter de ses cuisses pleines de cellulite, et c’est après cette note semi-érotique que le père de Greg a pris le micro pour remercier tout le monde d’avoir participé à cette journée, qui était – selon ses dires –  « la plus belle de [sa] vie », même si elle lui avait coûté d’énormes efforts pour coordonner la logistique (« et aussi beaucoup d’efforts financiers » a rajouté la mère). 

Les deux premières heures du bal ont été consacrées à des musiques consensuelles, les valses succédant aux chansons françaises des années 60. Mais dès que les plus jeunes et les plus anciens eurent quitté la salle, le disc-jockey nous a « mis le feu », en enchaînant nombre de tubes des années 80. Ne faisant ni une ni deux, « j’ai tombé la chemise » (pour paraphraser le refrain de la célèbre chanson de la Compagnie Créole) et je me suis mis à danser torse nu au milieu de la piste. Cela n’a pas semblé plaire à tout le monde, et les parents de Greg sont venus me parler pour m’indiquer qu’il était malvenu de se comporter de la sorte, car cela risquait de choquer la famille de la mariée. Le père de Greg a ajouté qu’il ne souhaitait pas voir « le plus beau jour de [sa] vie » gâché par un incident diplomatique. Sa mère a enfoncé le clou en me rappelant qu’elle avait « mis le paquet » pour que cette journée se passe sans accroc, et qu’il serait dommage de réduire à néant tous les efforts qu’elle avait fournis, « notamment sur le plan financier » (sic).

Légèrement refroidi par les remontrances des géniteurs de Greg, j’ai toutefois continué à m’amuser après avoir repris une tenue plus décente, et j’ai dansé jusqu’au bout de la nuit, ne m’arrêtant épisodiquement que pour aller uriner dans le lavabo des water-closets, en essayant de viser au mieux la vasque de porcelaine.

Lorsqu’il a fallu – à regret – libérer la salle des festivités, les parents de Greg  étaient encore présents et saluaient chaleureusement les convives qui quittaient les lieux, en les remerciant d’avoir participé à cette fête qui – d’après eux – constituait « le plus beau jour de [leur] vie », bien qu’elle leur eût coûté énormément d’investissement (« y compris d’un point de vue financier » , s’empressait d’ajouter la mère).

Pour parler trivialement, les vieux sont donc restés lourds et chiants tout au long de la soirée.

Comment expliquer le fossé abyssal qui existe entre notre génération – toujours encline à se trémousser sur du Patrick Juvet ou du Thierry Hazard – et celle de nos parents, décidément incapables de s’amuser simplement, et trop attachés à l’image qu’ils renvoient d’eux-mêmes ?

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  • Stephanus, le chaînon manquant entre Guy des Cars et Chimène Badi. Stephanus, ça se lit comme un bon Marc Lévy. Stephanus, c'est bon comme du bon pain, c'est plus authentique qu'un film de Guillaume Canet, et plus parfumé que la foune de Nadine Morano.
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