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Le petit monde de Stephanus
18 avril 2015

Léger incident à la communauté des chiffonniers d'Emmaüs du Mans (72). Est-il opportun d'y retourner ?

Ayant dans l’idée de renouveler mon mobilier, j’avais demandé conseil à un l’un de mes collègues afin qu’il m’indique le nom d’un magasin où j’aurais pu trouver mon bonheur pour une somme modique.

Sans hésiter, le collègue en question m’a répondu d’aller fouiner « chez Emmaüs ».

N’ayant pas la moindre idée de ce qu’il voulait signifier par ce drôle de patronyme qui rappelait une marque de slips bon marché, je lui ai demandé des précisions, et il m’a indiqué qu’il s’agissait d’une association caritative qui récupère de vieux meubles et vêtements pour les revendre, permettant ainsi à une poignée de clochards d’avoir une activité professionnelle, et à quelques nécessiteux de trouver guenilles et buffet en formica à moindre coût.

Bien que méfiant à l’idée de m’introduire dans ce lieu grouillant assurément d’anciens repris de justice, je me suis dit que je pourrais sans doute y trouver quelques meubles à prix sacrifiés.

C’est donc le cœur un peu inquiet – et une bombe lacrymogène dans la poche – que je me suis rendu au dépôt des Compagnons d’Emmaüs (dénomination exacte de l’association fondée par l’Abbé Soury).

A l’arrivée sur site, j’ai été accueilli par un homme trapu à la barbe rousse, qui orientait les clients vers les bâtiments adéquats en  fonction de ce qu’ils recherchaient.

Cet individu plutôt disgracieux et à la peau burinée par l’alcool ressemblait à un croisement entre Véronique Sanson (la philosophe) et Grincheux (le nain). A sa manière abrupte de répondre aux clients, on sentait bien qu’il ne fallait pas lui chercher des noises. J’ai donc tenté de me le mettre dans la poche, en lui demandant où je pouvais trouver des buffets bretons pour y ranger des bouteilles d’apéritif, tout en appuyant ma demande par un clin d’œil qui visait à lui faire comprendre que je partageais sa passion pour la Suze et le Pernod. Le fils Sanson, sans doute intellectuellement limité, n’a pas compris ma fine allusion, et s’est contenté de m’indiquer d’un geste évasif un bâtiment préfabriqué situé une trentaine de mètres derrière lui, geste qui a eu pour effet de faire affluer en direction de mes narines l’odeur particulière qui émanait de ses aisselles et qui s’apparentait au parfum peu délicat que pourrait avoir une liqueur préparée à base de chiasse de chevreuil.

Afin d’écourter au  plus vite cette rencontre désagréable, je me suis empressé de me diriger vers le bâtiment que m’avait indiqué Grincheux, mais j’ai eu la mauvaise surprise de constater que cet enfoiré s’était trompé, puisque je  me tenais devant le bâtiment qui abritait la vaisselle, et non les meubles.

Je me suis senti obligé de rentrer dans la bicoque, pour jeter un œil faussement attentif aux horribles pièces de vaisselle qui s’y trouvaient entreposées.

J’ai parcouru les allées nonchalamment, m’arrêtant de temps à autre pour soupeser une théière en porcelaine de Flers (61), examiner un verre Königsbrau, ou renifler un service à fromage. Après avoir passé en revue l’ensemble des daubes exposées, je m’apprêtais à sortir du  bâtiment, lorsque j’ai dû essuyer la réflexion peu aimable d’un employé qui me reprochait ouvertement de ne rien avoir acheté.

J’ai souhaité dans un premier temps répondre à cette attaque désagréable, mais j’ai préféré me taire lorsque j’ai constaté la stature du colosse qui venait de me vilipender. Deux mètres, au moins cent vingt kilos, des biceps taillés dans le roc, un tee-shirt à l’effigie d’Eddy Mitchell, un pendentif en forme de dent de requin accroché au bout d’une chaîne aux larges maillons d’argent, et l’avant-bras orné d’un tatouage « Aldo » qui m’a fait penser que ce loubard était sans doute issu de la communauté des gens du voyage.

Ne souhaitant pas être victime d’un coup de rasoir – que l’homme dissimulait à coup sûr dans ses santiags – j’ai continué mon chemin en feignant de ne pas avoir entendu les propos désobligeants prononcés à mon encontre.

Cette fuite teintée de couardise n’a pas semblé plaire à Aldo, puisqu’il a continué de m’insulter, optant cette fois-ci pour des propos nettement moins policés (puisqu’il y était question d’avoir des rapports sexuels avec ma mère).

Blessé dans mon amour-propre, j’ai jugé nécessaire de ne pas laisser le crime impuni.

J’ai donc fait volte-face et me suis dirigé vers l’impoli tzigane que j’ai énergiquement aspergé de gaz lacrymogène, avant de sortir du local puis du site, non sans avoir au passage vidé le reste de ma bombe dans les yeux de Grincheux qui avait tenté de m’intercepter.

Arrivé sur le parking, je suis monté dans mon Porsche Cayenne et j’ai définitivement quitté ces lieux maudits.

Le problème est que je n’ai toujours pas trouvé de table de nuit qui s’accorde avec le nouveau papier peint de ma chambre. Pensez-vous qu’il soit opportun de retourner à la communauté Emmaüs pour tenter de dénicher la perle rare, quitte à prévoir d’amener un bouquet de fleurs à Aldo et une bouteille de Père Benoît à Grincheux, histoire de me  faire pardonner ?

 

 

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Le petit monde de Stephanus
  • Stephanus, le chaînon manquant entre Guy des Cars et Chimène Badi. Stephanus, ça se lit comme un bon Marc Lévy. Stephanus, c'est bon comme du bon pain, c'est plus authentique qu'un film de Guillaume Canet, et plus parfumé que la foune de Nadine Morano.
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