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Le petit monde de Stephanus
15 juillet 2012

Nouvelle rencontre entre mes parents et ma dulcinée. N’est-ce pas quelque peu prématuré ?

Ma mère me harcèle au téléphone depuis ce matin car elle souhaiterait que je vienne chez eux ce week-end pour un déjeuner dominical, accompagné de celle qu’elle s’évertue à appeler « la charmante Michèle » (maman ne pouvant s’empêcher de placer un adjectif devant chaque prénom qu’elle cite).

Apparemment, ma compagne a fait très bonne impression auprès de mes parents lors de leur première rencontre, et ce malgré le comportement fâcheux de mon père, qui a quelque peu crispé l’ambiance tout au long du repas (repas qu’il a terminé, je vous le rappelle, le pantalon au niveau des chevilles, se caressant la pine d’une main, et se délectant d’une part de far aux pruneaux de l’autre).

Devant mes hésitations à accepter cette invitation, ma mère m’a téléphoné plusieurs fois, insistant sur la nécessité d’officialiser un peu plus notre relation, et m’informant au passage qu’elle concocterait une délicieuse potée alsacienne (agrémentée de kirschenwasser), dont elle a trouvé la recette dans le dernier numéro de Femme Actuelle.

Face à de tels arguments, je n’ai pu que m’incliner, et lui ai donc promis que je viendrai leur rendre visite dimanche midi, accompagné de ma fiancée. Ma décision a été saluée avec joie par maman, ainsi que par mon père que j’ai entendu manifester son enthousiasme en indiquant qu’il allait se mettre sur son trente-et-un pour accueillir « la petiote » (sic).

Le problème, vous l’aurez compris, c’est que je ne suis pas du tout certain que Michèle va accepter de m’accompagner, notamment au regard de la fragilité de notre couple, après les tumultes que nous avons traversés ces dernières semaines. En outre, je pense que l’idée de se retrouver à table en face du visage couperosé de papa, qui ne manquera pas de multiplier les blagues racistes et les allusions salaces, ne l’enchantera guère. La première introduction de Michèle au sein du cocon familial a été vraiment rude et, même si nous n’en avons pas reparlé ensemble, je suis à peu près certain qu’elle a profondément été choquée par l’attitude de mon père.

Toutefois, j’ai déjà réfléchi à une solution pour régler ce problème paternel : introduire, au moment de l’apéritif, un somnifère dans sa boisson pourrait nous éviter les désagréments liés à sa libido intense. La tâche s’avère ardue, car papa – qui est toujours très assoiffé – a bien souvent du mal à lâcher son verre. Cependant je ne désespère pas de réussir cette mission, en profitant d’un de ses – nombreux – passages aux water-closets pour introduire le médicament dans son breuvage (encore qu’il lui arrive parfois d’aller déféquer avec sa chope de whisky, au motif que l’alcool lui « décontracte les sphincters »).

Si je parvenais à mettre papa hors service, il n’en reste pas moins que le repas risque d’être épuisant pour ma Michèle, qui devra supporter la conversation soporifique de maman, laquelle ne s’intéresse qu’à la cuisine ainsi qu’à la couture, et ne sort du domicile conjugal que deux fois par semaine pour aller faire les courses au Super U (de là à dire que sa vie est aussi intéressante que celle d’un étron au fond d’une piscine olympique, il n’y a qu’un pas, que je franchirai allègrement).

Devant la crainte que Michèle ne s’ennuie à mourir, je ne sais pas trop si je dois lui proposer cette invitation et surtout, j’ai peur qu’elle me signifie un refus.

Dans le même temps, me rendre chez mes parents sans elle risquerait de faire naître des doutes dans leur esprit. Ma mère pourrait croire qu’elle m’a abandonné comme une vieille chaussette légèrement humide, et finirait par me poser des questions embarrassantes. Quant à mon père, il s’interrogerait de nouveau sur mes orientations sexuelles, et ne manquerait sans doute pas de me traiter de « pédale », une fois que l’alcool lui aura chauffé les méninges (ce qui, montre en main, ne devrait prendre qu’une petite vingtaine de minutes).

Quelle décision est-il raisonnable de prendre ? Dois-je plutôt penser à la préservation de mon couple, ou faut-il que je satisfasse prioritairement les attentes de ma mère ?

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Le petit monde de Stephanus
  • Stephanus, le chaînon manquant entre Guy des Cars et Chimène Badi. Stephanus, ça se lit comme un bon Marc Lévy. Stephanus, c'est bon comme du bon pain, c'est plus authentique qu'un film de Guillaume Canet, et plus parfumé que la foune de Nadine Morano.
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