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Le petit monde de Stephanus
15 février 2012

Agression devant mes yeux. Ma passivité doit-elle être de nature à me faire culpabiliser ?

Vous devez commencer à me connaître, je suis ce qu'on appelle un homme à scrupules, toujours sujet à de tortueux dilemmes, un homme qui se pose énormément de questions, un homme qui se remet en cause et qui doute de ses choix, qu’ils soient vestimentaires, artistiques, ou bien qu’ils portent sur l’achat d’un dentifrice.

Lorsque je pense avoir mal agi, ma conscience s’alourdit et, rongé par des remords insupportables, je n’arrive pas à trouver la paix intérieure.

Je ne peux m'empêcher de culpabiliser dès que j'ai l'impression d'avoir fait du mal à quelqu'un, ou dès qu’il me semble avoir manqué à mon devoir de citoyen ou d’honnête homme.

Aussi loin que me ramènent mes souvenirs, je crois avoir toujours eu ce trait de caractère : ainsi, je me rappelle avoir fait une clé de bras à un pauvre enfant autiste lorsque j’étais en classe de CE2. Il faut dire que ce camarade de classe, pas méchant mais néanmoins pénible, avait eu le mauvais goût de baver sur mon blouson de marque Chevignon. Je l’avais donc légèrement molesté, mais bien que cette petite crapule eût mérité un châtiment corporel, j’avais immédiatement été pris de remord. Je n’en avais pas dormi la nuit suivante, demandant pardon au Seigneur pour le mauvais geste que j’avais commis, et craignant à tout instant que la police vienne frapper à la porte de la maison familiale pour m’arrêter et m’inculper de maltraitance envers une personne vulnérable.

L’épisode tragique que j’ai vécu en fin d’après-midi m’a de nouveau fait connaître les affres de la honte et de la repentance.

Je marchais tranquillement dans la rue, en rentrant du travail. J'avais le cœur gai en pensant que le soir même, il y a avait un match de l'équipe de France de football à la télévision, et que je pourrais donc exprimer ma joie en chantant La Marseillaise devant mon poste. Une dame d'un certain âge me précédait, et je me rapprochais progressivement d'elle, l’octogénaire ayant du mal à marcher, comme usée par le poids des années et des seins tombants.

Alors que je me trouvais à environ cinq mètres d'elle, deux individus jeunes, visiblement alcoolisés et ayant très probablement consommé des substances illicites, ont surgi d'un porche devant lequel nous passions, et se sont rués avec violence sur la grand-mère. Ils l'ont fait tomber par terre et l'ont maintenue en position couchée, tout en lui arrachant son sac. Le plus imposant des deux était carrément assis sur le thorax de la pauvre dame qui semblait avoir du mal à respirer, tandis que l’autre continuait de la dépouiller en lui fouillant les poches.

Surpris, dégouté, mais surtout pétrifié par tant de violence gratuite, je n'ai su que faire, et j'ai donc prudemment décidé de passer mon chemin. Il s’agit en effet du genre de situation où l’on a vite fait de se prendre un mauvais coup, et je n’avais pas particulièrement envie de terminer à l’hôpital après avoir reçu un coup de couteau dans le ventre, ou pire, dans les roustons.

Pour ne pas avoir l'air d'un lâche aux yeux de cette sympathique mamie qui implorait mon secours, j'ai feint de ne pas avoir vu l'agression, en détournant mon regard pour faire mine de m'intéresser aux articles qui se trouvaient dans la vitrine du magasin de timbres attenant au porche. À ce stade, je tiens à préciser qu'il ne s'agissait pas uniquement d'une fuite lâche, puisque je suis effectivement philatéliste depuis quelques semaines, et qu’il était donc cohérent que je m’arrêtasse devant cette petite échoppe. C'est donc la tête tournée vers la vitrine, que je me suis esquivé prestement et sans demander mon reste.

Quelques dizaines de mètres plus loin, après m’être discrètement retourné, j'ai pu constater que les voyous étaient déjà partis, que la vieille dame était secourue par des badauds, et qu'elle n'avait pas l'air choqué outre-mesure, malgré un large filet de sang qui s’écoulait de sa tempe gauche.

Je serais donc tenté de dire : « tout est bien qui finit bien », comme le dit le vieux dicton populaire plein de bon sens.

Toutefois, malgré cette fin heureuse, je me sens « mal dans mes baskets » depuis cet incident, considérant que j’aurais sans doute pu jouer un rôle plus actif dans le sauvetage de la vieille, quitte à n’intervenir qu’après coup en lui proposant un mouchoir pour éponger son visage.

Aurait-il été plus citoyen de tenter d’intervenir, au risque de finir moi-même aux urgences du Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Rennes (35) ?

 

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Le petit monde de Stephanus
  • Stephanus, le chaînon manquant entre Guy des Cars et Chimène Badi. Stephanus, ça se lit comme un bon Marc Lévy. Stephanus, c'est bon comme du bon pain, c'est plus authentique qu'un film de Guillaume Canet, et plus parfumé que la foune de Nadine Morano.
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