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Le petit monde de Stephanus
2 juillet 2013

Nouvelle astuce managériale. Est-il possible que cela se retourne un jour ou l’autre contre moi ?

Vous n’êtes pas sans savoir que j’occupe un poste à responsabilités, ni que j’ai sous mes ordres des collaborateurs à la sociologie très hétéroclite, mais qui ont un dénominateur commun : le manque de conscience professionnelle.

J’ai tenté, par le passé, de changer l’esprit désastreux de mes subordonnés, en optant pour la méthode américaine, allant jusqu’à calquer mon lexique managérial sur celui de nos cousins d’outre-Atlantique.

Ainsi, je souhaitais redonner un second souffle à cette team (équipe), en réalisant chaque fin de semaine un debriefing (réunion de bilan) de manière à analyser les up (points positifs) et les down (points négatifs) dans le cadre d’un véritable brainstorming (réflexion collective) pour réussir à increase (améliorer) notre cash flow (liquidité financière), tout en ayant soin de récompenser les best workers (meilleurs employés) en leur offrant des pencils (stylos), et en réservant aux loosers (perdants) des bons coup de pied au ass (fion).

Je pensais, par ce biais, sensibiliser mes collaborateurs à la nécessité de se donner à fond, dans un cadre culturel anglo-saxon empreint de valeurs aussi importantes que le dévouement, l’honneur, le dépassement de soi et la cellulite.

Bien mal m’en a pris, puisque les éternels rouspéteurs n’ont pas tardé à critiquer mes nouvelles techniques de management (management), me reprochant de dénaturer complètement l’âme de l’entreprise et le fonctionnement de l’équipe.

Même Philippe, mon chef de service, a tenté de tempérer mes ardeurs, en me demandant d’y aller plus doucement et de témoigner plus d’humanité envers mes collègues. Je vais finir par croire que ce type n’est qu’un bolchevique infiltré chez nous pour torpiller la boîte. D’ailleurs, je me suis souvent dit que sa moustache était très certainement un hommage – certes discret – à Lech Walesa, ce dictateur roumain qui a fait couler des hectolitres de sang en dirigeant son pays d’une poigne de fer pendant la Perestroïka. Je le soupçonne même d’être abonné à Libération, et je n’exclus pas d’organiser une nouvelle expédition à son domicile afin de fracturer sa boîte aux lettres pour étudier ses lectures journalistiques.

Mais laissons de côté cette petite pourriture de Philippe dont je m’occuperai plus tard.

Dans un premier temps, je souhaiterais faire le nécessaire auprès de mon équipe pour que mes collaborateurs se plient – de gré ou de force – à mes méthodes de travail.

La refonte complète du fonctionnement de notre service n’ayant pas marché, j’envisage d’œuvrer au coup par coup, pour leur faire comprendre qu’ils sont ici pour rapporter de l’argent et non pour s’amuser.

J’ai ainsi remarqué que ces petits fainéants s’octroyaient une pause d’environ dix minutes le matin, puis une nouvelle pause l’après-midi, pour siroter leur café. J’ai donc calculé que si je leur sucrais ces pauses, cela reviendrait à augmenter le temps de travail de l’équipe d’environ quatre heures par jour, soit près de cent sept jours de travail effectif annuel, ce qui équivaut à cinquante-trois kilo-euros de chiffres d’affaires, c’est-à-dire une marge nette de plus de dix kilo-euros (si l’on se base sur un taux de rentabilité moyen de vingt pour cent). Dix mille euros, ce n’est certes rien comparativement au résultat opérationnel de l’entreprise, mais cela me permettrait de solliciter l’achat d’une voiture de fonction plus luxueuse, type cabriolet décapotable...

Dans un premier temps, j’ai donc décidé de pousser mes subordonnés à abandonner leur traditionnelle pause café, inutile et coûteuse pour l’entreprise. Pour ce faire, j’ai imaginé une technique diabolique et légèrement malodorante, mais qui aura le bon goût de ne pas m’obliger à endosser le rôle du « père fouettard », puisque j’agirai sous couvert d’anonymat. Le principe de la manœuvre est de les écœurer définitivement, en remplaçant le café moulu qu’ils stockent dans une grande boîte en fer, par quelque chose de nettement moins ragoûtant.

Je vous avais déjà parlé de Croquette, le chat de ma voisine, qui aime à se pavaner – et accessoirement, à se soulager – sur mon balcon. L’idée serait donc de prélever quelques centaines de grammes de matière fécale déposée par le chaton, et de les broyer dans un mortier pour en obtenir une fine poudre brune. Vous aurez compris la suite : j’introduirai cette poudre dans la boîte métallique sus-évoquée, et il y a fort à parier que mes collaborateurs perdront bien vite leur envie de boire du café, une fois qu’ils auront goûté à ce breuvage issu du commerce équitable et récolté dans mes géraniums.

Avant de m’aventurer à mettre ce plan en œuvre et en ces temps troubles où les patrons et les cadres supérieurs sont accusés de tous les maux d’une société gangrénée par le non-travail, il me serait indispensable de savoir si je risque une quelconque sanction dans l’hypothèse – peu probable – où je serais démasqué.

Le cas échéant, cette sanction pourrait-elle aller jusqu’au licenciement ?

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Le petit monde de Stephanus
  • Stephanus, le chaînon manquant entre Guy des Cars et Chimène Badi. Stephanus, ça se lit comme un bon Marc Lévy. Stephanus, c'est bon comme du bon pain, c'est plus authentique qu'un film de Guillaume Canet, et plus parfumé que la foune de Nadine Morano.
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