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Le petit monde de Stephanus
2 août 2013

Confusion lamentable. Comment appréhender la nationalité d'un ressortissant étranger ?

J’étais invité vendredi soir dernier chez mon supérieur hiérarchique et j’avais envisagé de profiter de cette occasion pour fouiller dans les affaires personnelles de Philippe, afin de trouver des indices qui me permettraient de prouver ses liens supposés avec une entreprise terroriste (je vous rappelle que Philippe s’exprime avec un fort accent proche-oriental qui ressemble vaguement à celui du mollah Omar ou d’Hugo Chavez).

Je me suis donc présenté devant la porte de son pavillon vers dix-neuf heures, avec en main un plateau de charcuterie. Le choix du hors-d’œuvre n’était pas innocent : je souhaitais par ce biais tester Philippe et sa femme, afin de détecter immédiatement s’ils étaient de confession musulmane. J’ai eu la désagréable surprise de constater qu’ils semblaient ravis des victuailles que j’avais apportées, dont ils se sont délectés sans retenue, dévorant même la peau du saucisson à l’ail et le gras du jambon (dont de gros morceaux venaient décorer la moustache de Philippe). Leurs deux fistons, encore plus voraces que les parents, engloutissaient les tranches de lard sans donner l’impression de les mâcher, et pour ce qui me concerne, je n’ai pas vu la couleur du salami car ces hôtes fort impolis ne m’en ont même pas laissé une tranche.

Comme pour appuyer mes désillusions, Philippe et sa femme ont copieusement accompagné ce plateau d’entrées d’un petit vin rouge bien gouleyant provenant du Minervois, dont ils se servaient des ballons énormes qu’ils vidaient aussitôt à grosses lampées.

Mon enquête commençait donc assez mal, mais je souhaitais creuser un peu plus et, conformément au plan que j’avais élaboré, je me suis éclipsé quelques minutes en prétextant une envie soudaine d’aller beurrer leur cuvette de water-closets. J’ai mis à profit ces instants de solitude pour fouiller dans les affaires personnelles de Philippe, afin de dénicher des documents éloquents qui me permettraient de le confondre.

Une fois de plus, j’ai fait chou blanc : sa bibliothèque, que j’imaginais regorger d’ouvrages prônant le Jihad et faisant l’apologie de Ben Laden et de Desmond Tutu, ne comportait que des livres écrits par des auteurs français, parmi lesquels un certains nombre d’ouvrages cultes (notamment Les Roucasseries) ainsi que quelques bandes-dessinées humoristiques (notamment l’intégrale des blagues sur les Blondes). Quant à sa discothèque, je n’ai pu y repérer aucun disque de chants arabes, ni même la moindre petite œuvre de negro-spiritual. Ne s’y trouvaient que des disques compacts (CD) insignifiants, dont nombre d’albums de chants traditionnels auvergnats, ainsi qu’une quantité importante de musique de la Cordillère des Andes.

Après ces recherches infructueuses, j’ai dû regagner le salon et excuser mon absence prolongée en expliquant que la tâche avait été ardue, prétextant qu’un petit morceau de matière fécale était resté accroché à mon anus pendant de longues minutes, et qu’il m’avait fallu redoubler d’effort pour qu’il finisse par choir dans le fond de la cuvette après une séance intensive de contraction-relaxation de mes sphincters.

Nous sommes ensuite passés au plat de résistance, consistant en un délicieux sauté de veau à la bourguignonne, auquel a succédé un plateau de fromages, puis une tarte tatin.

Tout au long du repas, j’ai essayé de lancer Philippe sur le sujet de l’islam et du Proche-Orient, lui demandant son avis sur le problème palestinien, et souhaitant avoir son point de vue sur la question du port du turban à l’école. Mais jamais il n’est tombé dans le panneau, témoignant même d’un certain désintérêt pour ces questions.

Alors que nous buvions un petit digestif, en l’occurrence une liqueur de mirabelle « de derrière les fagots »  (dixit Philippe), j’ai eu une idée géniale : je me suis mis à parler photographie, en expliquant que j’étais très peu photogénique. Pour illustrer mon propos, j’ai sorti mon passeport, de manière à montrer ma photographie à mes hôtes, ce qui n’a pas manqué de provoquer l’hilarité générale. J’ai incité Philippe à jouer « cartes sur table » – pour employer une expression que n’aurait pas dénigrée le regretté Omar Sharif – et à me montrer à son tour ses papiers d’identité dans le but implicite, vous l’aurez compris, de vérifier sa nationalité. Quelle n’a pas été ma surprise de constater que Philippe, loin d’être Pakistanais, était en fait natif de Montevideo, capitale de l’Uruguay !

Devant cette incroyable méprise, je me suis senti énormément vexé, car mes plans visant à dénoncer mon chef auprès de la direction de mon entreprise tombaient à l’eau, ses liens – supposés – avec Al-Qaïda devenant beaucoup plus hypothétiques voire carrément inexistants.

D’où ma question du jour : pour éviter ce genre de déconvenue à l’avenir, existe-t-il une technique imparable pour faire le distinguo entre un faciès arabe et un faciès sud-américain ?

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Le petit monde de Stephanus
  • Stephanus, le chaînon manquant entre Guy des Cars et Chimène Badi. Stephanus, ça se lit comme un bon Marc Lévy. Stephanus, c'est bon comme du bon pain, c'est plus authentique qu'un film de Guillaume Canet, et plus parfumé que la foune de Nadine Morano.
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